On entend souvent les patriarches, parents, professeurs, politiques, pretres et autres pundits (ces grands P) dire que les enfants d’aujourd’hui ne veulent pas et n’aiment pas lire. En vérité, la très grande majorité des enfants NE SAVENT PAS, NE PEUVENT PAS lire. Pourquoi?
Bien que la scolarité au primaire et secondaire est accessible et gratuite; bien que l’état investit des milliards de roupies; bien que l’investissement privé est enorme, le taux de littéracie est très faible. Pourquoi?
Officiellement, près de 90% de la population maîtrisent la littéracie mais la verité est toute autre. Les chiffres officiels confondent littéracie et présence a l’ecole. Si pratiquement 90% des enfants vont à l’école, cela ne veut nullement dire que ces enfants peuvent lire et ecrire. Les autorités confondent aussi la maîtrise de la littéracie et l’apprentissage aux langues etrangères. Dans la Republique Maritime de Maurice ou souvent des pêcheurs meurent noyés parce qu’ils ne savent pas nager, on ignore royalement la littéracie dans la langue maternelle mais on insiste que nos enfants apprennent à lire, ecrire, parler et comprendre TROIS langues etrangères en meme temps. Belle recette pour la catastrophe! Gran Bez!
Si on veut bien comprendre cette situation, imaginons le scenario suivant. Un illuminé qui prend le pouvoir en France decide:
- Le francais, langue maternelle des enfants, n’est pas necessaire car les enfants le parlent deja;
- L’anglais, l’allemand et le mandarin sont obligatoires a l’oral et a l’ecrit et doivent etre maitrisés en même temps;
- Les examens seront en mandarin qui est utilisé comme medium pour apprendre les mathematiques, les sciences, l’histoire, la geographie etc.
Que deviendra le systeme educatif francais?
Le resultat a Maurice? Environ 25% de la population maitrise la litteracie fonctionnelle; environ 50% sont semi-lettrés pouvant dessiner leur nom et graphier quelques mots isolés mais incapables de construire des phrases qui soient coherentes et grammaticalement correctes. Les 25% qui restent sont des non-lettrés qui signent avec leur pouce.
L’élite au pouvoir pretend que cette constatation est scandaleusement erronée, que 90% de mauriciens sont capables de lire et d’ecrire couramment. Ma réponse est toute simple: enlevez les symboles politiques sur les bulletin de vote. Chaque parti politique, chaque candidat aux élections doit avoir un symbole par lequel l’electeur le reconnait (la clef pour le Parti Travailliste, le coeur pour le MMM, le soleil pour le MSM etc.) Enlever les symboles et la machinerie électorale s’écroule. Pourquoi? Parce que la très grande majorité des mauriciens s’appuie sur les symboles pour reconnaître leur candidat. Ils ne peuvent pas lire les noms des candidats.
DIFFICULTE DE LA LECTURE
L’homo sapiens sapiens developpa l’usage de la parole environ 300,000 ans de cela. Pour cette raison il n’est pas déraisonable de supposer que nous, les homos sapiens sapiens, à travers l’évolution, sommes génétiquement programmés pour l’utilisation de la parole et l’apprentissage de la langue de son environnement se fait ‘naturellment’. L’écriture vit le jour environ 5,000 ans de cela et l’écriture alphabetique est encore plus jeune (3,000 ans). D’où la pertinence des recherches du Professeur Stanislaus Dehaene du College de France qui démontrent que cette competence culturelle se matérialise à travers des activites cerebrales complexes utilisant deux zones distinctes: celle de la parole et celle du visuel. La maîtrise de l’ecriture et de la lecture se fait lentement et difficilement quand il s’agit de la langue maternelle mais devient TRES DIFFICILE, presque insurmontable dans certains cas, là où ces competences sont à développer dans des langues etrangères comme c’est le cas a Maurice.
Il y a une dizaine d’années de cela, avec l’aide de l’evêque de Port Louis, j’ai pu préparer un programme spéciale pou environ 200 enfants qui, après sept ans sur les bancs de l’ecole, ne savaient ni lire, ni ecrire. Apres trois ans ces enfants étaient devenus lettrés dans leur langue maternelle. Mais qui plus est, leur competence en Anglais et les mathematiques s’était enormement ameliorée. Recemment j’ai eu une experience similaire dans les prisons de Maurice ou 85% des detenus sont non-lettrés. Apres un an, des hommes et femmes pouvaient écrire leur nom et un court texte sur eux-memes dans leur langue maternelle. Encore une preuve, s’il en fallait une, que la langue maternelle est la clef a la littéracie.
Recemment quand il y a eu un debat sur une reforme profonde du system educatif j’ai propose un projet pour neuf ans de scolarité obligatoire – 5 a 14 ans. Essentiellement, il s’agit d’une nouvelle politique linguistique: appentissage a la lecture et l’ecriture dan la langue maternelle – le mauricien est la L1 de 90% de la population mais le nouveau gouvernement a choisi le chemin de la facilité en optant pour des retouches superficielles, qui, bien sur, va aggraver la situation. Ceci m’a oblige à proposer une solution ad hoc: une nouvelle matière intitulée LITTÉRACIE BILINGUE MORISIEN-ANGLAIS. Son introduction peut se faire sans chambarder le nouveau système tout en corrigeant ses faiblesses et améliorer le niveau de la littéracie.
LITTERACIE BILINGUE MORISIEN-ANGLAIS
Pour être efficace et performante, l’apprentissage à la littéracie doit débuter dans la langue maternelle de l’apprenant. Si la graphie de la langue de l’apprenant est phonemique (le morisien) et non pas etymologique (le francais), la maitrise de cette competence se fait sans trop de douleurs car il y a une correspondance phonème-graphème. Plus la deuxieme langue est proche de la première au niveau des structures syntaxiques et au niveau de la graphie, moins penible est le passage d’une langue à une autre. Dans le cas mauricien, les deux langues (la langue nationale de facto et la langue officielle) sont des créoles avec des grandes similarités syntaxiques; au niveau phonologique il y a très peu de différences mais il en existe une de taille: le morisien est syllabique (syllable-timed) mais l’anglais utilise l’accent tonique (stress-timed). Au niveau du développement lexical il y a des similarités (utilisation de mots-composes – compound words – tels que doorknob, birdcage, cheesecake etc.) mais la graphie peut poser des problemes d’apprentissage. Prenons les mots suivants: dough, bough, tough. se prononce differemment: , , .
La littéracie bilingue morisien-anglais est indispensable pour le developpement materiel, culturel et spirituel de la Republique Maritime De Maurice. Certains chercheurs pensent meme qu’elle peut nous aider a barrer la route à l’Alzheimer. On peut le faire. Ce qui nous manque c’est une volonté politique nationale.
Tout cela me pousse à me réfugier dans ma chanson fetiche ou angoisse et espoir s’entrelassent.
LASOURS
Sime la li bien-bien long
Sime la li bien-bien dir
Komie finn pas lor la avan mwa
Zegwi dife dan lesiel
Lapousier dan mo labous
Mo lagorz pe amar-amare
Lasours la li ankor lwen
Bien-bien fre, bien-bien kler
Lasours kot nou tou pou al bwar
Simitier ranpli ar fler
Kot bann frer finn depoz zarm
Sime la li pas kot simitier
Mo lavi kouma lapousier
Pou fini dan simitier
Mo lespwar zame li pa pou tengn
Pou sak flanbo ki pou tengn
Ena mil pou alime
Ziska ki sime tous lasours
Marenwar pe rod nway mwa
Marekaz pe rod bwar mwa
Ena kamrad ferm koste ar mwa
Me dime komie pou ena
Ler soley manz marenwar
Komie ki pa ankor vinn fler
Seki yer swar ti ar mwa
Zordi nek enn souvenir
Souvenir ki lour dan mo leker
Nou bizen met sime kler
Nou bizen konstrir bann pon
Pous par pous, pa par pa ziska lasours
Mem si nou nou pa gagn sans
Nou zanfan va profite
Lapousier pou vinn lalimier
Lasours la li ankor lwen
Bien-bien fre, bien-bien kler
Lasours kot nou tou pou al bwar
MERSI
AVRIL-ME 2017